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DETENTION PROVISOIRE : LA FRANCE CONDAMNEE

Le 15 octobre 2013
CEDH, 3 octobre 2013, n°  12430/11, aff. Vosgien c. France

La Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) a estimé qu’une détention provisoire de 4 ans, 3 mois et 2 jours n’était pas raisonnable, dès lors qu’elle n’était pas strictement justifiée au regard des objectifs poursuivis par une telle détention ni étayée par des éléments pertinents et suffisants tirés de la procédure.

Le requérant français avait été interpellé et placé en garde à vue pour avoir participé à l’enlèvement et la séquestration d'une personne en vue de l’obtention d’une rançon, violences en réunion avec arme, viol et tentative de viol. Sa détention provisoire fut prolongée à plusieurs reprises pour une durée totale excédant 4 ans.

La Cour estime que la détention provisoire a dépassé le délai raisonnable prévu par l’article 5-3 de la Convention. Elle condamne en conséquence la France qui devra en outre verser 8.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral du requérant.

La Cour rappelle qu'il doit exister une véritable exigence d'intérêt public justifiant l'exception à la règle du respect de la liberté individuelle et qu’il incombe aux autorités judiciaires de veiller à ce que la durée de la détention provisoire d’un accusé ne dépasse pas la limite du raisonnable.   Comme à chaque fois, les mêmes motifs avaient été mis en avant par le JLD ou la Chambre d'Instruction pour refuser la remise en liberté : risques de fuite, risques de réitération de l’infraction et de concertation frauduleuse et le fameux trouble exceptionnel et persistant à l’ordre public.

La Cour pose que les risques ne peuvent s'apprécier en fonction de la gravité de la peine, ni d'une condamnation antérieure sans relation.

De plus, une motivation générale et abstraite ne suffit pas à justifier le risque de réitération ou le refus d'une mise sous contrôle judiciaire proposé par le mis en examen;

Le caractère certain et actuel de l’atteinte à l’ordre public doit enfin être caractérisé en précisant en quoi la remise en liberté du requérant aurait eu pour effet de le troubler.

La Cour estime que la gravité des faits et le trouble à l’ordre public ne peuvent justifier à eux seuls une aussi longue détention provisoire et que les motifs invoqués par les autorités judiciaires n’étaient pas suffisants pour justifier le maintien en détention provisoire du requérant pendant plus de 4 ans.